“Un refuge labellisé LPO pour favoriser la biodiversité !”
Daniel Winter, chargé des espaces verts et du fleurissement de Saint-Marcellin, en Isère, a profité de l'existence d'un parc historique pour raisonner les opérations d'entretien devenues inéluctables. Objectif : réaménager le lieu en évitant de détruire la vie animale qui s'y était développée...
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La protection de la biodiversité est un élément essentiel du développement durable qui tient une bonne place dans les actions des Agendas 21. Quel que soit le type d'espace et sa superficie, il est toujours possible de conserver ou d'aménager des milieux favorables à la faune et à la flore. C'est ce à quoi s'est attelée la commune de Saint-Marcellin (38) « avec la création d'un refuge labellisé par la Ligue de protection des oiseaux (LPO) », indique Daniel Winter, ornithologue amateur à la LPO et jardinier de la Ville de Saint-Marcellin, chargé plus spécifiquement du fleurissement.
La promenade de Joux est propriété de la commune de Saint-Marcellin depuis près de deux siècles. Ce parc bénéficie d'un panorama exceptionnel, avec vue sur la ville, la vallée de l'Isère, les massifs du Vercors et de la Chartreuse. Il a été réaménagé à la fin du XIXe siècle : l'allée principale a été bordée d'une centaine de marronniers d'Inde et de quelques robiniers et érables sycomores. Au début des années 2000, face à des arbres vieillissants et fragilisés par d'anciennes tailles radicales, la question de la sécurité s'est posée, le lieu étant très fréquenté par le public. Un diagnostic commandé à l'Office national des forêts a confirmé la dangerosité de nombreux sujets. Les experts ont alors proposé l'abattage progressif de tous les arbres dans un délai de cinq ans, couplé à un plan de replantation. Comme en beaucoup d'endroits, élus et habitants ne sont pas préparés à voir disparaître ce patrimoine. Pour éviter un changement trop radical, il a été décidé de n'en abattre qu'une partie. Ainsi, de 2002 à 2006, cinquante sujets anciens ont été supprimés, ce qui a permis de rénover l'esplanade sur la moitié de sa longueur. Durant ces mêmes années, trente et un marronniers rouges et huit érables sycomores y ont été replantés.
Pour la seconde partie de l'esplanade, hormis quelques robiniers et marronniers jugés trop dangereux qui ont dû être abattus, les vieux arbres ont, jusqu'à présent, été conservés, mais avec une surveillance accrue. S'ils ne présentent pas de danger immédiat, ils forment un alignement condamné à moyen terme. Mais pourquoi, dans ce cas, vouloir les conserver ? « Le public vient l'été pour profiter de l'ombre. Les couper tous risquait de faire perdre son intérêt à cet espace. Les troncs creux, les branches mortes ou les plaies mal cicatrisées sont par ailleurs des lieux de vie importants pour la biodiversité, notamment pour les oiseaux (les piverts, les sitelles, les grimpereaux des jardins...) et les insectes. Supprimer tous les arbres aurait entraîné la disparition de ces espèces », estime Daniel Winter.
Il restait à valoriser cette biodiversité pour apporter au lieu une autre finalité, tout à fait légitime, celle de refuge pour la faune : d'un côté un parc animalier bordé de haies champêtres, de l'autre un parc paysager privé présentant une large palette d'espèces végétales, la présence de murs en pierre en partie couverts de lierre, l'absence de circulation motorisée...
En 2004, le parc est devenu un refuge labellisé LPO (voir l'encadré). « En acceptant ce label, la ville s'est engagée à respecter une charte, à conserver et à aménager des milieux favorables à la faune sauvage. Ainsi depuis dix ans, outre la pose de nichoirs et la création d'une mare, on trouve à certains endroits du bois mort laissé à terre, quelques tas de branchages, des souches en décomposition, autant d'éléments propices à la microfaune. Parmi les arbres tiges récemment plantés figurent des érables sycomores dont les graines sont appréciées de plusieurs espèces d'oiseaux comme les chardonnerets ou les pinsons », poursuit Daniel Winter, à qui on doit l'initiative du refuge.
Le concept a été progressivement étendu à l'ensemble de la ville. Des nichoirs et des refuges pour insectes fleurissent un peu partout. Les ronds-points et leurs abords constituent des espaces intéressants de par leur superficie, le relief qui y a été recréé et leur visibilité pour des actions pédagogiques. Ainsi, ceux qui sont gérés par la Ville sont progressivement réaménagés pour accueillir la biodiversité : installation de nichoirs à oiseaux et chauve-souris (quatorze occupés chaque année sur les espaces verts communaux), création d'une mare, remplacement de genévriers rampants ou zones plantées d'arbustes variés, vivaces, graminées ou prairies fleuries.
« Aujourd'hui, on peut observer au coeur des espaces verts de la commune quinze espèces d'oiseaux nicheurs, douze de papillons, de nombreux reptiles comme le triton alpestre, la grenouille verte, le crapaud, la couleuvre verte et jaune, la couleuvre d'Esculape, le lézard vert, le lézard des murailles, ainsi que deux espèces de chauve-souris, la pipistrelle commune et l'oreillard gris », explique Daniel Winter.
La pose de nichoirs et gîtes favorise aussi la pérennisation des insectes utiles : les chrysopes, les syrphes, les abeilles et les guêpes sociales, les bourdons terrestres et six espèces de coccinelles recensées (*). La multiplication de ces sites, associée aux espaces naturels conservés dans les propriétés privées, joue un rôle important en tant que corridor écologique.
« Au début, les élus regardaient cela d'un oeil plutôt indifférent. À présent, cette biodiversité est l'objet d'une certaine fierté, surtout depuis que la commune a reçu, l'an dernier, le prix spécial du développement durable, attribué par le jury départemental du fleurissement », estime Daniel Winter, qui, aidé d'un stagiaire en formation, a d'autres projets en tête comme la création d'un sentier pédagogique d'observation de la biodiversité. Celui-ci verra le jour l'été prochain sur un espace d'environ 100 m² situé à l'entrée du parc de Joux. Le site comprendra une série de micro-habitats pour la faune : mare, gîte à insectes, à reptiles ou à belettes...
Daniel Winter partage son expérience avec d'autres collectivités. « Le Centre national de la fonction publique territoriale m'a proposé, il y a quelques années, d'intervenir dans des formations liées au développement durable. Des communesss, déjà bien engagées, me demandent de les aider sur l'aspect biodiversité qu'elles ont parfois du mal à appréhender... » Au sein de la commune, il est « l'expert biodiversité » aux commissions de travail chargées de l'élaboration de l'Agenda 21. Un bon nombre d'actions aujourd'hui débattues s'inspirent de son travail, lequel déborde largement de ses heures rémunérées. Mais sans cet investissement personnel, partagé avec d'autres naturalistes ainsi qu'avec des enfants, peu de choses auraient pu aboutir...
Claude Thiery
(*) Si le rôle de ces insectes prédateurs n'est plus à démontrer dans le cadre d'une lutte intégrée, celui des oiseaux nicheurs est moins connu. Pour la mésange charbonnière, par exemple, on estime qu'un couple peut, en trois semaines, détruire de 7 000 à 8 000 insectes pour nourrir ses petits, surtout des chenilles.
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